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C’est un infime espoir. Alendi a survécu à des assassins, à des guerres, à des catastrophes. Et pourtant, j’espère que dans les montagnes gelées de Terris, il se retrouvera enfin à découvert. J’espère un miracle.

 

Description : 087

 

— Écoutez, nous savons tous ce que nous devons faire, dit Cett en frappant du poing sur la table. Nos armées sont ici, prêtes à se battre et désireuses de le faire. Alors allons reprendre mon pays, et tout de suite !

— L’impératrice ne nous a pas donné l’ordre de faire cela, rétorqua Janarle en buvant son thé, sans se laisser démonter par l’absence totale de sens des convenances chez Cett. Je crois personnellement que nous devrions au moins attendre le retour de l’empereur.

Penrod, le plus âgé des hommes présents dans cette pièce, eut le tact de paraître compatir.

— Je comprends votre inquiétude pour votre peuple, lord Cett. Mais nous n’avons même pas eu une semaine pour reconstruire Luthadel. Il est bien trop tôt pour nous soucier d’étendre notre influence. Nous ne pouvons absolument pas autoriser ces préparatifs.

— Oh, arrêtez, Penrod, lâcha Cett d’un ton cassant. Nous ne sommes pas à vos ordres.

Les trois hommes se retournèrent vers Sazed. Il se sentait très mal à l’aise, assis en tête de table dans la salle de conférence du Bastion Venture. Des aides de camp et domestiques, y compris certains des bureaucrates de Dockson, se tenaient le long des murs de la pièce chichement meublée, mais seuls les trois dirigeants – désormais rois sous le règne impérial d’Elend – étaient assis à table avec Sazed.

— Je crois que nous ne devrions pas agir avec précipitation, lord Cett, répondit Sazed.

— Ce n’est pas de la précipitation, insista Cett en martelant de nouveau la table. Je veux simplement ordonner que des espions et des éclaireurs nous fassent leur rapport, afin que nous disposions des informations nécessaires lors de notre invasion !

— À supposer que nous la fassions, répondit Janarle. Si l’empereur décide de reprendre la ville de Fadrex, ça ne se produira pas avant l’été, au plus tôt. Nous avons des inquiétudes plus pressantes. Mes armées se trouvent depuis trop longtemps éloignées du Dominat Boréal. C’est une simple question de théorie politique de base : il faut que nous stabilisions nos acquis avant de passer à un nouveau territoire.

— Bah ! répondit Cett avec un geste d’indifférence.

— Vous pouvez envoyer vos éclaireurs, lord Cett, intervint Sazed. Mais à condition qu’ils ne fassent que chercher des informations. Ils ne doivent mener aucune attaque, aussi tentante que puisse être l’occasion.

Cett secoua sa tête barbue.

— C’est pour ça que je ne m’abaisse jamais à jouer à des jeux politiques avec le reste de l’Empire Ultime. Rien n’est jamais fait parce que tout le monde est trop occupé à intriguer !

— La subtilité a de grandes vertus, lord Cett, déclara Penrod. C’est la patience qui donne les meilleurs résultats.

— Les meilleurs résultats ? s’exclama Cett. Qu’est-ce que le Dominat Central a gagné à attendre ? Vous avez patienté jusqu’au moment où votre ville est tombée ! Si vous n’aviez pas disposé de la meilleure Fille-des-brumes…

— La meilleure Fille-des-brumes, milord ? demanda calmement Sazed. Vous ne l’avez pas vue prendre le contrôle des koloss ? Vous ne l’avez pas vue traverser le ciel comme une flèche en vol ? Lady Vin n’est pas simplement « la meilleure Fille-des-brumes ».

Le groupe se tut. Il faut que je les pousse à se concentrer sur elle, se dit Sazed. Sans l’influence de Vin – sans la menace que représente sa puissance –, cette coalition s’évanouirait en un clin d’œil.

Il se sentait si peu à sa place. Il ne parvenait pas à empêcher ces hommes de digresser, et il ne pouvait pas faire grand-chose pour les aider à résoudre leurs problèmes divers. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était leur rappeler la puissance de Vin.

Simplement, il n’en avait pas vraiment envie. Il éprouvait quelque chose de très curieux, des sentiments qu’il ne possédait généralement pas. Indifférence. Apathie. Quelle importance avaient donc les sujets dont parlaient ces hommes ? Qu’est-ce qui en avait encore, à présent que Tindwyl était morte ?

Il serra les dents et tenta de s’obliger à se concentrer.

— Très bien, dit Cett avec un geste de la main. J’enverrai les éclaireurs. Janarle, est-ce que la nourriture est arrivée d’Urteau ?

Le jeune aristocrate parut mal à l’aise.

— Nous… avons eu quelques soucis à ce sujet, milord. Il semblerait qu’un individu malsain sème le trouble dans la ville.

— Pas étonnant que vous vouliez renvoyer les troupes au Dominat Boréal ! répliqua Cett d’un ton accusateur. Vous comptez reprendre votre royaume et laisser pourrir le mien !

— Urteau est beaucoup plus proche que votre capitale, Cett, répondit Janarle avant de reprendre une gorgée de thé. C’est une simple question de logique qui dicte de m’envoyer là-bas avant de reporter notre attention sur l’ouest.

— Nous laisserons l’impératrice prendre cette décision, déclara Penrod.

Il aimait jouer les médiateurs – et ce faisant, paraître au-dessus de toutes ces questions. En substance, il se plaçait en situation de contrôle en s’interposant entre les deux autres.

Ce n’est pas si différent de ce qu’Elend a cherché à faire avec nos armées, songea Sazed. Ce garçon possédait un sens de la stratégie politique bien plus grand que Tindwyl avait jamais voulu le reconnaître.

Je ne devrais pas penser à elle, se dit-il en fermant les yeux. Tout ce que faisait Sazed, tout ce qu’il pensait, semblait inadéquat depuis sa mort. Les lumières paraissaient plus faibles. Les motivations plus difficiles à trouver. Il s’apercevait qu’il avait même du mal à vouloir prêter attention aux rois, sans parler de les conseiller.

C’était idiot, il le savait. Depuis combien de temps Tindwyl était-elle réapparue dans sa vie ? Quelques mois à peine. Longtemps auparavant, il s’était résigné au fait de ne jamais être aimé – en général – et certainement pas d’elle. En plus de son absence de virilité, il était un rebelle et un dissident – un homme nettement extérieur à l’orthodoxie terrisienne.

L’amour qu’elle lui avait porté devait être un miracle. Cependant, qui remerciait-il pour cette bénédiction, et qui maudissait-il pour la lui avoir reprise ? Il connaissait des centaines de dieux. Il les aurait tous haïs s’il pensait pouvoir en tirer un quelconque réconfort.

Pour sa propre santé mentale, il s’obligea à se laisser de nouveau distraire par les rois.

— Écoutez, messieurs, disait Penrod, penché en avant, les bras reposant sur la table. Je crois que nous abordons le problème sous le mauvais angle. Nous ne devrions pas nous chamailler mais nous réjouir. Nous nous trouvons dans une position totalement unique. Dans l’intervalle écoulé depuis la chute de l’Empire du Seigneur Maître, des dizaines d’hommes – voire des centaines – ont tenté de se désigner comme rois de diverses façons. Mais leur seul point commun était leur absence de stabilité.

» Eh bien, il semble que nous allions, nous, être contraints de travailler ensemble. Je commence à voir cette idée sous un jour favorable. Je prêterai allégeance au couple Venture – j’accepterai même de vivre avec le point de vue excentrique d’Elend quant au gouvernement – si ça signifie que je serai encore au pouvoir dans dix ans.

Cett gratta un moment sa barbe, puis hocha la tête.

— Vous avez raison sur ce point, Penrod. C’est peut-être la première chose sensée que j’aie entendue de votre bouche.

— Mais nous ne pouvons pas continuer en feignant de croire que nous savons ce que nous devons faire, intervint Janarle. Nous avons besoin de conseils. Notre survie lors des dix années à venir dépendra en grande partie, je crois, du fait que je ne trouve pas la mort sur la lame de cette Fille-des-brumes.

— Certes, répondit Penrod avec un brusque hochement de tête. Dites-moi, Maître Terrisien. Quand pouvons-nous espérer que l’impératrice reprenne le pouvoir ?

Cette fois encore, trois paires d’yeux se braquèrent sur Sazed.

Je m’en moque bien, se dit-il, aussitôt envahi d’une bouffée de culpabilité. Vin était son amie. Il se souciait d’elle. Même s’il lui était difficile de se soucier de quoi que ce soit. Il baissa les yeux, honteux.

— Lady Vin souffre grandement des effets de l’utilisation prolongée du potin, expliqua-t-il. Elle a énormément exigé d’elle-même lors de l’année écoulée, et l’a terminée en parcourant tout le trajet jusqu’à Luthadel à la course. Elle a grand besoin de repos. Je crois que nous devrions lui en accorder encore un peu.

Les autres acquiescèrent et reprirent leur discussion. Mais les pensées de Sazed revinrent à Vin. Il avait sous-estimé sa maladie et commençait à s’inquiéter. L’abus de potin épuisait le corps, et il la soupçonnait d’avoir utilisé ce métal pour rester éveillée pendant des mois.

Lorsqu’un Gardien emmagasinait une quantité d’éveil, il dormait quelque temps plongé dans une sorte de coma. Il ne pouvait qu’espérer que les effets d’un abus de potin si extrême soient les mêmes, car Vin ne s’était pas réveillée une seule fois depuis son retour la semaine précédente. Peut-être se réveillerait-elle bientôt, tel un Gardien qui émerge de son sommeil.

Peut-être le sien durerait-il plus longtemps. L’armée des koloss attendait hors de la ville, sous contrôle – apparemment – bien qu’elle soit inconsciente. Mais pour combien de temps ? L’abus de potin pouvait tuer, si l’on avait trop exigé de soi-même.

Qu’arriverait-il à la ville si Vin ne se réveillait jamais ?

 

La cendre tombait. Beaucoup de chutes de cendre ces derniers temps, se dit Elend tandis que Spectre et lui émergeaient d’entre les arbres et contemplaient la plaine de Luthadel.

— Regardez, déclara Spectre, doigt tendu. Les portes de la ville sont défoncées.

Elend fronça les sourcils.

— Mais les koloss campent en dehors de la ville.

De fait, le camp militaire de Straff était toujours là, lui aussi, au même emplacement qu’auparavant.

— Des équipes de travail, dit Spectre, s’abritant du soleil pour protéger ses yeux hypersensibles d’allomancien. On dirait qu’ils enterrent des corps en dehors de la ville.

Elend devint encore plus songeur. Vin. Qu’est-ce qui lui est arrivé ? Est-ce qu’elle va bien ?

Spectre et lui avaient coupé à travers champs, suivant l’exemple des Terrisiens, pour s’assurer de ne pas être découverts par des patrouilles en provenance de la ville. Ce jour-là, ils avaient rompu avec leurs habitudes, voyageant un peu de jour afin d’arriver à Luthadel juste avant la tombée de la nuit. Les brumes se lèveraient bientôt, et Elend était fatigué – à la fois de s’être levé si tôt et d’avoir marché si longtemps.

Plus encore, il était las de ne pas savoir ce qui s’était passé à Luthadel.

— Est-ce que tu vois quel drapeau flotte au-dessus des portes ? demanda-t-il.

Spectre marqua une pause, attisant apparemment ses métaux.

— Le vôtre, annonça-t-il enfin, surpris.

Elend sourit. Eh bien, soit ils sont parvenus à sauver la ville, soit il s’agit d’un piège extrêmement élaboré pour me capturer.

— Viens, dit-il en désignant une rangée de réfugiés qu’on laissait entrer en ville – sans doute ceux-là mêmes qui s’étaient enfuis auparavant et revenaient chercher à manger une fois tout danger écarté. Nous allons nous mélanger à eux pour rentrer.

 

Avec un soupir, Sazed referma la porte de sa chambre. Les rois en avaient fini avec les disputes du jour. En réalité, ils commençaient à très bien s’entendre, compte tenu du fait qu’ils avaient tous tenté de se conquérir mutuellement quelques semaines plus tôt.

Sazed savait toutefois qu’il n’avait pas grand-chose à voir avec leur amabilité toute nouvelle. Il avait eu d’autres préoccupations.

J’ai vu mourir beaucoup de gens au cours de ma vie, songea-t-il en pénétrant dans la chambre. Kelsier. Jadendwyl. Creda. Des gens que je respectais. Jamais je ne me suis demandé ce qui était arrivé à leur esprit à eux.

Il posa sur la table la bougie dont la lumière fragile éclaira quelques pages éparpillées, un tas d’étranges clous métalliques retirés des corps des koloss, ainsi qu’un manuscrit. Sazed s’assit à la table, frôlant les pages de ses doigts et se rappelant les jours passés à étudier avec Tindwyl.

C’est peut-être pour ça que Vin m’a nommé responsable, se dit-il. Elle savait qu’il me faudrait quelque chose pour m’empêcher de penser à Tindwyl.

Et pourtant, il comprenait de plus en plus qu’il n’avait pas envie de penser à autre chose qu’à Tindwyl. Qu’est-ce qui était le plus puissant ? La douleur du souvenir, ou celle de l’oubli ? Il était un Gardien – la mémoire était l’œuvre de toute sa vie. L’oubli, même au nom de la tranquillité personnelle, ne lui faisait guère envie.

Il parcourut le manuscrit, souriant d’un air affectueux dans la pièce obscure. Il avait envoyé vers le nord, avec Elend et Vin, une version lissée et réécrite. Mais celui-ci était l’original. Le manuscrit rédigé dans la hâte – presque dans le désespoir – par deux érudits terrifiés.

Tandis qu’il étudiait les pages, la lueur vacillante de la bougie révéla l’écriture ferme mais belle de Tindwyl. Elle se mêlait harmonieusement aux paragraphes rédigés de l’écriture plus réservée de Sazed. Parfois, une même page voyait les deux se succéder une bonne dizaine de fois.

Il ne se rendit compte qu’il pleurait que lorsqu’il cligna des yeux, libérant ainsi une larme qui alla s’écraser sur la page. Il baissa le regard, stupéfait, en voyant la goutte d’eau dessiner un tourbillon dans l’encre.

— Et maintenant, Tindwyl ? murmura-t-il. Pourquoi avons-nous fait tout ça ? Vous n’avez jamais cru au Héros des Siècles, et je n’ai jamais cru en quoi que ce soit, comme je viens de le découvrir. À quoi servait donc tout ça ?

Il leva la main pour éponger la larme à l’aide de sa manche, s’efforçant de préserver la page au mieux. Malgré sa fatigue, il se mit à lire, choisissant un paragraphe au hasard. Il lut pour se rappeler. Pour repenser aux jours où il ne s’inquiétait pas de savoir pourquoi ils faisaient ces recherches. Il était alors simplement satisfait de faire ce qu’il appréciait le plus, en compagnie de la femme qu’il en était venu à aimer par-dessus tout.

Nous avons rassemblé tout ce que nous avons trouvé sur le Héros des Siècles et l’Insondable, songea-t-il tout en lisant. Mais tant d’éléments semblent se contredire.

Il parcourut un passage bien particulier, que Tindwyl avait insisté pour inclure. Il comportait les contradictions internes les plus flagrantes, qu’elle avait soulignées. Il les relut et y réfléchit sérieusement pour la première fois. C’était là Tindwyl l’érudite – une sceptique qui se distinguait par sa prudence. Il suivit le passage du doigt, déchiffrant son écriture.

Le Héros des Siècles sera grand par la taille, lut-il. Un homme que les autres ne pourront ignorer.

Ce pouvoir ne doit être pris, disait un autre. Nous en avons la certitude. Il doit être tenu, mais pas utilisé. Il doit être libéré. Tindwyl avait jugé cette contradiction idiote, dans la mesure où d’autres passages mentionnaient le Héros utilisant ce pouvoir pour vaincre l’Insondable.

Tous les hommes sont égoïstes, lut-il plus loin. Le Héros est un homme capable de voir les besoins des autres au-delà de ses propres désirs.

— Si tous les hommes sont égoïstes, avait demandé Tindwyl, comment le Héros peut-il être aussi altruiste, comme le disent d’autres passages ? Et de toute manière, comment peut-on s’attendre à ce qu’un homme humble conquière le monde ?

Sazed secoua la tête en souriant. Parfois, les objections qu’elle formulait étaient judicieusement conçues – mais à d’autres occasions, elle s’efforçait simplement d’offrir une opinion contraire, quel que soit l’effort d’imagination nécessaire. Il parcourut de nouveau la page du bout du doigt, mais s’arrêta sur le premier paragraphe.

Grand par la taille, se dit-il. Voilà qui ne pouvait décrire Vin. Cette phrase ne provenait pas du décalque mais d’un autre livre. Si Tindwyl l’avait inclus, c’était parce que le décalque, leur source la plus fiable, le décrivait comme un homme de petite taille. Sazed feuilleta le livre jusqu’à la retranscription complète du témoignage gravé par Kwaan dans l’acier, en quête du bon passage.

Lors de notre première rencontre, la taille d’Alendi me frappa, lut-il. C’était là un homme de petite stature, mais qui paraissait dominer les autres, un homme qui imposait le respect.

Sazed fronça les sourcils. Précédemment, il avait protesté qu’il n’y avait là aucune contradiction, car un passage pouvait être interprété comme une référence à la présence ou au charisme du Héros, plutôt qu’à sa seule taille physique. Mais cette fois, Sazed y réfléchit et comprit pour la première fois les objections de Tindwyl.

Et il lui sembla percevoir une anomalie. Il se repencha sur son livre pour relire le contenu de la page.

Il y avait une place pour moi dans le mythe de l’Anticipation, lut-il. Je pensais être le Premier Témoin Sacré, le prophète dont on prédisait qu’il découvrirait le Héros des Siècles. Renoncer à Alendi serait revenu à renoncer à ma nouvelle position, à mon acceptation, parmi les autres.

De plus en plus songeur, Sazed reprit le paragraphe. Dehors, la nuit tombait, et quelques volutes de brume s’enroulaient autour des volets, s’infiltrant dans la chambre avant de disparaître.

Premier Témoin Sacré, relut-il. Comment est-ce que ça a pu m’échapper ? C’est le nom que m’ont donné ces gens, devant les portes. Je ne l’avais pas reconnu.

— Sazed.

Il sursauta et faillit renverser son livre à terre en se retournant. Vin se tenait derrière lui, dessinant une ombre dans la pièce mal éclairée.

— Lady Vin ! Vous êtes levée !

— Vous n’auriez pas dû me laisser dormir si longtemps, répondit-elle.

— Nous avons tenté de vous réveiller, dit-il. Vous étiez dans le coma.

Elle marqua une pause.

— C’est peut-être pour le mieux, lady Vin, reprit Sazed. Les combats sont terminés, et vous avez énormément exigé de vous-même ces derniers temps. C’est une bonne chose que vous puissiez vous reposer, maintenant que tout ceci est terminé.

Elle s’avança en secouant la tête, et Sazed vit qu’elle avait l’expression hagarde malgré son repos prolongé.

— Non, Sazed, dit-elle. Ce n’est pas « terminé ». Loin de là.

— Que voulez-vous dire ? demanda-t-il, soudain inquiet.

— Je l’entends toujours dans ma tête, répondit Vin en levant la main vers son front. Il est ici. Dans la ville.

— Le Puits de l’Ascension ? demanda Sazed. Mais lady Vin, je vous ai menti à ce sujet. En toute franchise, et avec toutes mes excuses, je ne suis même pas sûr qu’il existe.

— Est-ce que vous croyez que je sois le Héros des Siècles ?

Sazed détourna le regard.

— Il y a quelques jours, dans ce champ extérieur à la ville, j’en ai eu la certitude. Mais… ces jours-ci… je ne sais plus vraiment en quoi je crois. Les récits et les prophéties ne sont qu’un fatras de contradictions.

— Il ne s’agit pas des prophéties, répondit Vin en s’approchant de la table pour inspecter son livre. Je vous parle de ce qui doit être fait. Je le sens… qui m’attire.

Elle jeta un coup d’œil à la fenêtre close, au bord de laquelle s’enroulait la brume. Puis elle alla ouvrir d’un coup les volets, laissant entrer l’air froid de l’hiver. Elle ferma les yeux et laissa les brumes déferler sur elle. Elle ne portait qu’une chemise toute simple ainsi qu’un pantalon.

— Une fois, Sazed, j’ai puisé en elles, dit-elle. Vous le saviez ? Je vous l’avais dit ? Quand j’ai combattu le Seigneur Maître, j’ai tiré un pouvoir des brumes. C’est comme ça que je l’ai battu.

Sazed frissonna, et pas uniquement de froid. Plutôt à cause de l’intonation de Vin et de ce que sous-entendaient ses paroles.

— Lady Vin…, commença-t-il, sans trop savoir comment poursuivre.

Puiser dans les brumes ? Que voulait-elle dire ?

— Le Puits est ici, répéta-t-elle en regardant par la fenêtre, tandis que la brume pénétrait dans la pièce en tourbillonnant.

— C’est impossible, lady Vin, répondit Sazed. Tous les récits concordent. Le Puits de l’Ascension se trouvait dans les Montagnes de Terris.

Vin secoua la tête.

— Il a changé le monde, Sazed.

Il hésita, pensif.

— Pardon ?

— Le Seigneur Maître, murmura-t-elle. Il a créé les Monts de Cendre. Les récits disent qu’il a créé les vastes déserts qui entourent l’Empire, qu’il a brisé la Terre pour la préserver. Pourquoi partir du principe que les choses ont le même aspect qu’à l’époque où il est monté vers le Puits ? Il a créé des montagnes. Pourquoi est-ce qu’il n’aurait pas pu en raser d’autres ?

Un frisson parcourut Sazed.

— C’est ce que je ferais, poursuivit-elle. Si je savais que le pouvoir allait revenir, si je voulais le préserver. Je cacherais le Puits. Je ne toucherais pas aux légendes qui parlent de montagnes au nord. Ensuite, je construirais ma ville autour du Puits de manière à pouvoir le garder à l’œil.

Elle se retourna pour le regarder.

— Il est ici. Le pouvoir attend.

Sazed ouvrit la bouche pour protester, mais ne trouva rien à dire. Il n’avait aucune foi. Qui était-il pour contredire ces choses-là ? Tandis qu’il hésitait, il entendit des voix provenant d’en bas, de l’extérieur.

Des voix ? se dit-il. De nuit ? Dans les brumes ? Curieux, il tendit l’oreille pour entendre ce qu’elles disaient, mais elles étaient trop loin. Il plongea la main dans le sac posé sur la table. La plupart de ses cerveaux métalliques étaient vides ; il ne portait que ses cerveaux de cuivre, avec leurs réserves de savoir ancien. À l’intérieur du sac, il trouva une petite bourse. Elle contenait les dix anneaux qu’il avait préparés pour le siège, sans jamais les utiliser. Il l’ouvrit pour en tirer l’un des dix, puis fourra la bourse dans sa ceinture.

Avec cet anneau – un cerveau d’étain –, il pouvait gagner un supplément d’ouïe. Les mots provenant d’en bas étaient désormais distincts.

— Le roi ! Le roi est de retour !

Vin bondit par la fenêtre.

 

— Moi non plus, El, je ne comprends pas complètement comment elle s’y prend, déclara Ham, qui marchait avec le bras en écharpe.

Elend traversait les rues de la ville ; dans son sillage, des gens parlaient avec animation. La foule devenait de plus en plus large à mesure qu’on apprenait le retour d’Elend. Spectre les regarda d’un œil hésitant, mais cette attention ne semblait pas lui déplaire.

— J’ai passé une partie du combat dans les vapes, expliquait Ham. Seul le potin me gardait en vie – les koloss avaient massacré mon équipe et percé les murs du bastion que je défendais. Je suis sorti et j’ai trouvé Sazed, mais je n’avais pas l’esprit très clair à ce moment-là. Je me rappelle être tombé dans les pommes devant le Bastion Hasting. Quand je me suis réveillé, Vin avait déjà repris la ville. Je…

Ils se turent. Vin se tenait devant eux dans la rue. Silencieuse et grave. Dans les brumes, elle ressemblait presque à l’esprit qu’Elend avait vu un peu plus tôt.

— Vin ? appela-t-il d’une voix qui porta dans l’air sinistre.

— Elend, répondit-elle en se précipitant droit dans ses bras, et cette impression de mystère se dissipa. (Elle frissonna en le serrant dans ses bras.) Je suis désolée. Je crois que j’ai fait une grosse bêtise.

— Ah bon ? demanda-t-il. Laquelle ?

— Je t’ai nommé empereur.

Elend sourit.

— J’avais remarqué, et je l’accepte.

— Après tout ce que tu as fait pour t’assurer que le peuple ait le choix ?

Elend secoua la tête.

— Je commence à croire que mes idées étaient simplistes. Honorables, mais… insuffisantes. Nous allons nous y adapter. Je suis simplement ravi de voir ma ville toujours debout.

Vin sourit. Elle paraissait fatiguée.

— Vin ? Tu es toujours sous l’influence de l’abus de potin ?

— Non, répondit-elle. C’est autre chose.

Elle jeta un coup d’œil sur le côté, songeuse, comme si elle cherchait à prendre une décision.

— Viens, dit-elle.

 

Sazed regardait par la fenêtre, la vision affinée par un deuxième cerveau d’étain. C’était effectivement Elend qui se trouvait en bas. Sazed sourit, libéré de l’un des fardeaux qui pesaient sur sa conscience. Il se retourna dans l’intention d’aller à la rencontre du roi.

Puis il vit quelque chose que le vent déplaçait sur le sol devant lui. Un bout de papier. Il s’agenouilla pour le ramasser et y remarqua sa propre écriture. Ses bords irréguliers montraient qu’on l’avait déchiré. Songeur, il s’avança vers la table et ouvrit la page qui comportait le récit de Kwaan. Il y manquait un fragment. Le même que précédemment, celui qui avait été arraché cette fois où il se trouvait avec Tindwyl. Il avait presque oublié l’étrange coïncidence des pages toutes amputées de la même phrase.

Il avait réécrit cette page-ci, en puisant le souvenir dans son cerveau métallique, après les avoir trouvées déchirées. Cette fois encore, on en avait arraché le même fragment, la dernière phrase. Par simple souci de vérification, il le plaça près du livre. Ils correspondaient parfaitement. Alendi ne doit pas atteindre le Puits de l’Ascension ; il ne faut pas qu’il prenne le pouvoir pour lui-même. C’était la formulation exacte que Sazed se rappelait, telle qu’elle apparaissait dans le décalque.

Mais pourquoi est-ce que Kwaan s’en inquiétait à ce point ? s’interrogea-t-il tout en s’asseyant. Il affirme qu’il connaissait Alendi mieux que quiconque. En fait, il le qualifie d’homme d’honneur à plusieurs occasions.

Pourquoi Kwaan redoutait-il tant qu’Alendi prenne ce pouvoir ?

 

Vin marchait à travers les brumes. Elend, Ham et Spectre lui emboîtaient le pas, tandis que la foule s’était dispersée sur l’ordre d’Elend – bien qu’une poignée de soldats demeure à proximité afin de le protéger.

Vin allait de l’avant, éprouvant les pulsations, la cadence, le pouvoir qui ébranlaient jusqu’à son âme. Pourquoi les autres ne les ressentaient-ils pas ?

— Vin ? demanda Elend. Où est-ce que nous allons ?

— À Kredik Shaw, répondit-elle doucement.

— Mais… pourquoi ?

Elle se contenta de secouer la tête. Elle connaissait à présent la vérité. Le Puits se trouvait dans la ville. Compte tenu de la puissance acquise par les pulsations, elle aurait pu croire que leur direction serait plus difficile à discerner. Mais ce n’était absolument pas le cas. À présent qu’elles résonnaient à pleine puissance, ça lui devenait plus facile.

Elend se retourna pour regarder les autres, et elle perçut son inquiétude. Devant eux, Kredik Shaw se dressait dans la nuit. Ses flèches, telles des tiges massives, saillaient du sol selon un schéma chaotique, pointant tels des doigts accusateurs vers les étoiles.

— Vin, dit Elend. Les brumes se comportent… étrangement.

— Je sais, répondit-elle. Elles me guident.

— En fait, non, rectifia Elend. Elles donnent plutôt l’impression de s’écarter de toi.

Vin secoua la tête. Tout ça lui semblait si adéquat. Comment pouvait-elle l’expliquer ? Ensemble, ils pénétrèrent dans les vestiges du palais du Seigneur Maître.

Le Puits est ici depuis le début, songea Vin, amusée. Elle sentait les pulsations vibrer à travers le bâtiment. Pourquoi ne les avait-elle pas remarquées jusque-là ?

Elles étaient encore trop faibles, comprit-elle. Le Puits n’était pas encore plein. Maintenant, il l’est. Et il l’appelait.

Elle suivait le même chemin que précédemment. Celui qu’elle avait emprunté avec Kelsier pour pénétrer dans Kredik Shaw par cette nuit sinistre où elle avait failli mourir. Celui qu’elle avait suivi seule, la nuit où elle était venue tuer le Seigneur Maître. Les étroits couloirs de pierre s’ouvraient sur la pièce en forme de bol renversé. La lanterne d’Elend éclairait la maçonnerie élaborée et les peintures murales, aux nuances essentiellement noires et grises. La cabane de pierre se tenait au cœur de la pièce, abandonnée.

— Je crois que nous allons enfin trouver ton atium, Elend, déclara Vin en souriant.

— Quoi ? s’exclama Elend, dont la voix résonna dans la pièce. Vin, nous avons déjà cherché ici. Nous avons tout essayé.

— Pas assez, apparemment, répondit-elle en étudiant le petit bâtiment-dans-le-bâtiment, mais sans s’en approcher.

C’est là que je le cacherais, se dit-elle. C’est logique. Le Seigneur Maître devait vouloir garder le Puits à portée de main, de manière à pouvoir s’emparer du pouvoir quand il reviendrait.

Mais je l’ai tué avant que ça puisse se produire.

Les pulsations provenaient d’en bas. Les hommes d’Elend avaient arraché des pans du sol, mais s’étaient arrêtés en atteignant la pierre solide. Il devait exister un moyen de descendre. Elle s’approcha, fouilla le bâtiment-dans-le-bâtiment, mais ne trouva rien. Elle ressortit, frustrée, passant devant ses amis perplexes.

Puis elle tenta de brûler ses métaux. Comme toujours, les lignes bleues jaillirent tout autour d’elle, désignant des sources métalliques. Elend en portait plusieurs, ainsi que Spectre, mais Ham en était dépourvu. Une partie de la maçonnerie comportait des incrustations métalliques, et les lignes les désignaient.

Tout était conforme à ce qu’elle attendait. Il n’y avait rien…

Fronçant les sourcils, Vin se dirigea vers l’un des murs. L’une des incrustations produisait une ligne particulièrement épaisse. Trop, même. Songeuse, elle inspecta cette ligne qui, comme les autres, partait de sa poitrine pour pointer directement le mur de pierre. Celle-ci paraissait désigner un point au-delà du mur.

Quoi ?

Elle exerça une Traction dessus. Sans effet notable. Elle insista donc et émit un grognement lorsqu’elle se retrouva attirée vers le mur. Elle relâcha la ligne et regarda autour d’elle. Il y avait des incrustations au sol. Profondes. Curieuse, elle s’assura un point d’ancrage en exerçant une Traction sur celles-ci, avant de tirer de nouveau sur le mur. Il lui sembla sentir bouger quelque chose.

Elle brûla du duralumin et tira de toutes ses forces. L’explosion de pouvoir qui suivit faillit l’écarteler, mais son point d’ancrage résista, et le potin renforcé par le duralumin la garda en vie. Et une section du mur coulissa, dans un crissement de pierre frottant la pierre qui résonna dans le silence de la pièce. Le souffle coupé, Vin lâcha prise tandis que ses métaux s’épuisaient.

— Seigneur Maître ! s’exclama Spectre.

Ham, grâce à la vitesse que lui accordait le potin, fut le plus rapide et le premier à jeter un coup d’œil par l’ouverture. Elend resta aux côtés de Vin et la saisit par le bras lorsqu’elle faillit tomber.

— Ça va, l’assura-t-elle avant de vider un flacon pour restaurer le niveau de ses métaux.

La puissance du Puits résonnait autour d’elle. Elle paraissait presque ébranler la pièce.

— Il y a un escalier, ici, déclara Ham en ressortant la tête.

Vin retrouva son équilibre et adressa un signe de tête à Elend, puis tous deux suivirent Ham et Spectre au-delà du faux mur.

 

Mais je dois poursuivre en me limitant au minimum de détails, disait le récit de Kwaan.

L’espace est limité. Les autres Avènementistes durent se trouver humbles lorsqu’ils vinrent me trouver en reconnaissant leur erreur au sujet d’Alendi. Même alors, je commençais à remettre en doute mes déclarations d’origine. Mais j’étais rempli d’orgueil.

En fin de compte, peut-être mon orgueil nous condamna-t-il tous. Je n’avais jamais reçu beaucoup d’attention de mes frères et sœurs ; ils jugeaient mon travail et mes centres d’intérêt indignes d’un Avènementiste. Ils ne comprenaient pas en quoi mes études, consacrées à la nature plutôt qu’à la religion, profitaient aux peuples des quatorze contrées.

Toutefois, étant celui qui avait découvert Alendi, je devins quelqu’un d’important. Tout particulièrement parmi les Avènementistes. Il y avait une place pour moi dans le mythe de l’Anticipation – je pensais être le Premier Témoin Sacré, le prophète dont on prédisait qu’il découvrirait le Héros des Siècles. Renoncer à Alendi serait revenu à renoncer à ma nouvelle position, à mon acceptation, parmi les autres.

Par conséquent, je n’en fis rien. Mais je le fais aujourd’hui.

Sachez tous que moi, Kwaan, Avènementiste de Terris, je suis un imposteur. Alendi n’a jamais été le Héros des Siècles. Dans le meilleur des cas, j’ai amplifié ses qualités, créant un Héros là où il n’y en avait aucun. Dans le pire, je crains que tout ce en quoi nous croyons n’ait été corrompu.

 

Assis à sa table, Sazed lisait son livre.

Quelque chose ne colle pas, se dit-il. Il revint quelques lignes en arrière et relut les mots « Premier Témoin Sacré » une nouvelle fois. Pourquoi ce passage lui posait-il problème ?

Il se laissa aller en arrière, soupirant. Même à supposer que les prophéties parlent bel et bien de l’avenir, ce ne seraient pas des textes à suivre ou sur lesquels se reposer. Tindwyl avait eu raison sur ce point. Les recherches de Sazed s’étaient révélées obscures et peu fiables.

Alors où était le problème ?

Ce n’est tout simplement pas logique.

Mais, d’un autre côté, la religion n’était pas toujours à interpréter au sens littéral. Était-ce pour cette raison, ou à cause de ses propres partis pris ? La frustration croissante que lui inspiraient les enseignements qu’il avait mémorisés et transmis, mais qui avaient fini par le trahir ?

Tout le ramenait au bout de papier qui se trouvait sur son bureau. Le fragment déchiré. Alendi ne doit pas atteindre le Puits de l’Ascension

Quelqu’un se tenait près de son bureau.

Pris d’un haut-le-cœur, il eut un mouvement de recul et faillit tomber de sa chaise. Ce n’était pas réellement une personne. Simplement une ombre – formée, semblait-il, de courants de brume. Ils étaient très faibles, flottant toujours à travers la fenêtre que Vin avait ouverte, mais ils dessinaient une personne. Sa tête semblait tournée vers la table, en direction du livre. Ou peut-être… du bout de papier.

Sazed se sentit envahi d’une envie de fuir, de détaler sous l’effet de la terreur, mais son esprit d’érudit parvint à exhumer quelque chose qui lui permit de combattre sa peur. Alendi, se dit-il. Celui que tout le monde prenait pour le Héros des Siècles. Il disait voir une créature faite de brume qui le suivait.

Vin affirmait l’avoir vue elle aussi.

— Que… voulez-vous ? demanda-t-il en s’efforçant de garder son calme.

L’esprit ne bougea pas.

Est-ce qu’il pourrait… s’agir d’elle ? s’interrogea-t-il, abasourdi. De nombreuses religions affirmaient que les morts continuaient à arpenter le monde, simplement au-delà de la vision des mortels. Mais cette créature était de trop petite taille pour Tindwyl. Sazed était certain qu’il l’aurait reconnue, même sous une forme aussi indistincte.

Il s’efforça de déterminer où regardait la créature. Puis il tendit une main hésitante et ramassa le bout de papier.

L’esprit leva le bras, désignant le cœur de la ville. Sazed fronça les sourcils.

— Je ne comprends pas, dit-il.

L’esprit désigna avec davantage d’insistance.

— Écrivez-moi ce que vous désirez que je fasse.

L’esprit continua à montrer quelque chose du doigt.

Sazed resta un long moment planté dans cette pièce éclairée d’une seule bougie, puis jeta un coup d’œil au livre ouvert. Le vent en feuilletait les pages, montrant tour à tour son écriture, celle de Tindwyl, puis de nouveau la sienne.

Alendi ne doit pas atteindre le Puits de l’Ascension. Il ne faut pas qu’il prenne le pouvoir pour lui-même.

Peut-être… peut-être Kwaan savait-il quelque chose que tous les autres ignoraient. Le pouvoir pouvait-il corrompre même les meilleurs des hommes ? Pouvait-il s’agir de la raison qui l’avait poussé à se retourner contre Alendi pour tenter de l’arrêter ?

L’esprit des brumes tendit de nouveau le doigt.

Si l’esprit a déchiré cette phrase, il cherchait peut-être à me dire quelque chose. Mais… Vin ne prendrait jamais le pouvoir pour elle-même. Elle ne sèmerait jamais la destruction comme l’a fait le Seigneur Maître, n’est-ce pas ?

Et si elle n’avait pas le choix ?

Dehors, quelqu’un hurla. Un cri de pure terreur, bientôt rejoint par d’autres. Un chœur atroce qui résonna dans la nuit obscure.

Sazed n’eut pas le temps de réfléchir. Il s’empara de la bougie, renversant de la cire sur la table dans sa hâte, et quitta la pièce.

 

L’escalier en colimaçon descendait sur une certaine distance. Vin l’emprunta, Elend à ses côtés, tandis que les coups résonnaient bruyamment à ses oreilles. En bas, l’escalier débouchait sur…

Une vaste pièce. Elend leva bien haut sa lanterne et se retrouva devant une immense caverne de pierre. Spectre avait déjà descendu la moitié des marches. Ham le suivait.

— Seigneur Maître…, murmura Elend, aux côtés de Vin. Nous n’aurions jamais trouvé ça sans démolir tout le bâtiment !

— Je crois que c’était l’idée, répondit Vin. Kredik Shaw n’est pas un simple palais, mais une sorte de couvercle. Bâti pour cacher quelque chose. Ça. Au-dessus, les incrustations dans les murs masquaient les contours de la porte, et le métal qu’elles contenaient cachait le mécanisme d’ouverture aux yeux des allomanciens. Si je n’avais pas eu une intuition…

— Une intuition ? demanda Elend en se retournant vers elle.

Vin secoua la tête et désigna les marches. Ils entreprirent de les descendre. En bas, elle entendit résonner la voix de Spectre.

— Y a de la nourriture ici ! hurla-t-il. Des tas de boîtes partout !

En effet, ils en trouvèrent des rangées entières posées sur le sol de la caverne, méticuleusement entassées comme en préparation d’un événement capital. Elend et Vin atteignirent le sol de la caverne tandis que Ham courait après Spectre en lui demandant de ralentir. Elend fit mine de les suivre, mais Vin lui saisit le bras. Elle était en train de brûler du fer.

— Il y a une source métallique forte par là, dit-elle avec un enthousiasme soudain.

Elend hocha la tête et ils traversèrent la grotte à toute allure, longeant les rangées de provisions. C’est le Seigneur Maître qui a dû préparer tout ça, se dit-elle. Mais dans quel but ?

Pour l’heure, elle ne s’en souciait guère. Elle ne se souciait pas davantage de l’atium, mais Elend était trop avide de le découvrir pour qu’elle puisse l’ignorer. Ils atteignirent l’extrémité de la grotte, où ils trouvèrent la source de la ligne métallique.

Une grande plaque de métal était accrochée au mur, pareille à celle que Sazed disait avoir trouvée au Prieuré de Seran. Elend fut clairement déçu quand ils l’aperçurent. Mais Vin s’avança pour en inspecter le contenu de ses yeux affinés par l’étain.

— Une carte ? suggéra Elend. C’est l’Empire Ultime.

En effet, une carte de l’Empire était gravée dans le métal. Luthadel figurait en son centre. Un petit cercle désignait une autre ville toute proche.

— Pourquoi est-ce que la ville de Statlin est entourée ? demanda Elend, fronçant les sourcils.

Vin secoua la tête.

— Ce n’est pas ce qu’on est venus chercher, répondit-elle. Par là. (Un tunnel s’ouvrait à partir de la grotte principale.) Viens.

 

Sazed courait à travers les rues, sans trop savoir lui-même ce qu’il faisait. Il suivait l’esprit des brumes, difficile à repérer dans la nuit, car sa bougie s’était éteinte depuis longtemps.

Des gens hurlaient. Leurs cris de panique lui donnaient la chair de poule, et il brûlait d’aller voir ce qui se passait. Mais l’esprit des brumes était exigeant ; il s’arrêtait pour attirer l’attention de Sazed s’il le perdait. Peut-être le conduisait-il simplement à la mort. Et pourtant… l’esprit lui inspirait une confiance qu’il aurait été bien en peine d’expliquer.

L’allomancie ? se demanda-t-il. Est-ce qu’il manipule mes émotions ?

Avant qu’il puisse méditer la question, il trébucha sur son premier cadavre. C’était un skaa vêtu d’habits très simples et à la peau tachée de cendre. Son visage était tordu par une grimace de douleur, et la cendre qui recouvrait le sol portait des traces indiquant qu’il s’était débattu.

Avec un hoquet, Sazed s’arrêta brusquement. Il s’agenouilla pour étudier le corps à la faible lueur qui s’échappait d’une fenêtre ouverte tout près. Cet homme n’avait pas connu une mort tranquille.

Voilà qui me rappelle… ces meurtres sur lesquels j’ai enquêté, se dit-il. Il y a des mois, dans ce village du sud. L’homme que j’y ai rencontré disait que les brumes avaient tué son ami. Qu’il était tombé à terre en se débattant.

L’esprit apparut devant Sazed, avec quelque chose d’insistant dans la posture. Sazed leva les yeux, fronçant les sourcils.

— C’est vous qui avez fait ça ? murmura-t-il.

La créature secoua violemment la tête et tendit le doigt. Kredik Shaw se trouvait juste devant eux. C’était la direction dans laquelle Elend et Vin étaient partis un peu plus tôt.

Sazed se leva. Vin pensait que le Puits se trouvait toujours dans la ville, songea-t-il. L’Insondable s’est abattu sur nous, comme l’ont fait ses émanations dans les régions éloignées depuis un certain temps. Et il a tué.

Il se produit quelque chose qui nous dépasse.

Il n’arrivait toujours pas à croire que le départ de Vin à la recherche du Puits représente le moindre danger. Elle avait lu les récits ; elle connaissait l’histoire de Rashek. Elle ne prendrait pas le pouvoir pour elle-même. Il était confiant. Mais pas absolument certain. En fait, il n’avait plus la moindre certitude quant à la nature de ce qu’ils étaient censés faire au Puits.

Il faut que je la rejoigne. Que je l’arrête, que je lui parle, que je la prépare. On ne peut pas foncer tête baissée vers quelque chose de ce genre. S’ils étaient bel et bien amenés à prendre le pouvoir au Puits, ils devaient d’abord y réfléchir et décider de la meilleure marche à suivre.

L’esprit des brumes tendait toujours le doigt. Sazed se releva et se mit à courir, ignorant l’horreur qu’éveillaient en lui ces cris dans la nuit. Il approcha des portes de l’immense palais hérissé de pointes et de flèches, puis se précipita à l’intérieur.

L’esprit demeura en arrière, dans les brumes qui l’avaient engendré. Sazed ralluma sa bougie à l’aide d’un silex, puis attendit. L’esprit des brumes ne fit pas mine d’avancer. Toujours poussé par le même sentiment d’urgence, Sazed l’abandonna pour s’enfoncer dans les profondeurs de l’ancienne résidence du Seigneur Maître. Les murs de pierre étaient sombres et froids, et sa bougie ne projetait qu’une lueur pâle.

Le Puits ne peut pas se trouver ici, se dit-il. Il est censé se situer dans les montagnes.

Et pourtant, tant de détails concernant cette époque demeuraient vagues. Il commençait à douter d’avoir jamais compris les sujets qu’il avait étudiés.

Il pressa le pas, abritant la bougie de sa main, sachant où il devait aller. Il avait visité le bâtiment-dans-le-bâtiment, l’endroit où le Seigneur Maître passait autrefois son temps. Sazed l’avait inspecté après la chute de l’Empire, dans un souci de référencement. Il pénétra dans la pièce externe et l’avait à moitié traversée lorsqu’il remarqua une ouverture inconnue dans le mur.

Une silhouette se tenait à l’entrée, tête baissée. La lumière de Sazed se refléta dans les murs de marbre poli, les incrustations murales d’argent, et les tiges qui transperçaient les yeux de cet homme.

— Marsh ? demanda Sazed, stupéfait. Où étiez-vous passé ?

— Que faites-vous, Sazed ? murmura Marsh.

— Je vais rejoindre Vin, répondit-il, perplexe. Elle a découvert le Puits, Marsh. Nous devons la retrouver et l’empêcher d’en faire quoi que ce soit avant d’être sûrs d’en comprendre les effets.

Marsh garda le silence quelques secondes.

— Vous n’auriez pas dû venir ici, Terrisien, dit-il enfin, baissant toujours la tête.

— Marsh ? Que se passe-t-il ?

Sazed avança d’un pas, pris d’un sentiment d’urgence.

— J’aimerais le savoir. J’aimerais… J’aimerais comprendre.

— Comprendre quoi ? répéta Sazed dont la voix résonna dans la pièce au toit en dôme.

Marsh demeura un instant immobile, en silence. Puis il leva la tête et tourna ses tiges aveugles vers Sazed.

— J’aimerais comprendre pourquoi je dois vous tuer, répondit-il avant de lever la main.

Une Poussée allomantique heurta les bracelets métalliques que Sazed portait autour des bras et le propulsa en arrière, contre le mur de pierre dure.

— Je suis désolé, chuchota Marsh.

Le puits de l'ascension
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